Cool, zen et détendu du slip!

"Blaaaaaaaaaaaaaaaaah!"

Une grosse bouffée de vapeur dans la tronche, ça vous coupe vite la chique. A peine la porte du sauna avait-elle été entrouverte que l'eau vaporisée s'extirpait de la pièce comme si une grosse bébète amorphe et sans consistance la poussait de toutes ses forces. Takoru découvrit en moins de temps qu'il ne faut à pour dire "Algorithme batracocyclique de raie pastenague" ce qu'était une brûlure au premier degré, telle que se la serait faite un moldu au dessus d'une casserolle de pâtes de laquelle il retirait le couvercle translucide.
Une fois que les volutes s'urent faites moins fréquentes -enfin disons moins agressives-, le jeune garçon pénétra dans la pièce lambrisée, nu comme un vert, une serviettes blanche (brodée du mot "Phoenix" et d'un petit blason...représentant un phénix -naaaaaaaaaaaan?-) autour de la taille et une paire de sandales en bois aux pieds, des getas. Au centre de la pièce, un foyer de braises à côté duquel était posé une vaste jatte de porcelaine noire et ornée de dorure -sûrement un des nombreux trésors amassés par l'équipage- produisait sempiternellement de la vapeur. Une énorme louche faisait le trajet Jatte-Foyer en lévitant, déversant son contenu sur les braises, tandis que la jatte semblait se remplir d'elle-même continuellement.
Le jeune anglo-nippon s'assit sur l'un des bancs entourant la pièce -celui en face de la porte- et retira ses getas, les rangeant bien parallèles l'une à l'autre, et perpendiculaires au mur... Tako a des penchants maniaques, il faut l'avouer.
Enfin bref... Tako laissa aller sa tête en arrière, posa ses bras sur la planche qui tenait lieu de dossier au banc et détentit ses longues jambes, les doigts de pieds en éventail. Il passa désinvoltement sa main dans son épaisse chevelure, aujourd'hui de couleur noir de jaie, et poussa un petit soupir d'aise.
Seul dans une vaste salle... le calme plat... aucun bruit sauf le crépitement de l'eau sur les braises rougeoyantes... l'endroit parfait pour se détendre existait, et Tako y était!
Finalement, on ne lui avait pas menti: le sauna, ça détend -en plus d'avoir des propriétés amaigrissantes et bénéfiques pour la peau-... Le garçon n'y avait jamais vraiment cru, traumatisé par son expérience avec le riz au lait ("Mais si! Goûte je te dis! C'est trop bon!"... Première cuillère à peine dans la bouche, et le déjeuner ET le petit-déjeuner avaient déjà quitté l'estomac du garçon...).

Accoudée à la balustrade, Dalaja était plongée dans ses pensées, un peu sombre.
Mouche, son chat minuscule, était étalé sur son dos, la tête sur l'épaule de sa maîtresse, ronronnant comme un bienheureux en remuant doucement la queue, et donnant de temps à autre des petits coups de museau dans la joue de la jeune fille pour avoir le droit à une caresse sur la tête. Dalaja lui accordait quelques gratouilles distraites en maudissant gentiment son père, qui, plein de bons sentiments, avait décidé d'inscrire sa fifille unique et préférée à une croisière organisée par l'école sur un rafiot volant, et qui en plus d'être ennuyeuse, allait lui bouffer tout son été! La rage! On a pas idée, quand même...

Depuis qu'elle s'était embarquée, Dalaja n'avait vu aucun de ses amis. Oh, elle connaissait bien les trois quarts des personnes qui se trouvaient avec elle, mais pas personnellement. Elle mettait des noms sur des têtes, mais c'était à peu près tout.
La jeune fille soupira doucement. Le fait de se retrouver seule ne la dérangeait pas le moins du monde, au contraire, mais dotée du sens de l'orientation d'une huître (c'est à dire aucun, pour les moins perspicaces), elle était sûre de se perdre en moins de deux minutes dès qu'elle aurait quitté la balustrade, aussi avoir quelques connaissances à bord n'aurait pas été tout à fait inutile. Enfin, il faudrai faire sans!
Dans un énième soupir pour exprimer à quel point l'étudiante trouvait fastidieux de devoir participer à un voyage scolaire, elle se décolla de la rembarde. Le pont commençait à se remplir, et la jeune fille ne se sentait prête à subir le raz-de-marée humain qui arrivait.

*Bon, je n'ai plus qu'à m'aventurer dans ce rafiot pour trouver un coin un peu moins peuplé...*

Pour le moment, la seule pensé qui soulageait un tant soit peu Dalaja, était qu'elle n'avait pas à trimballer ses bagages. En effet, lorsqu'elle était monté à bord avec un "golem-minute" de sa création portant une flopée de valises qui semblaient valoir leur pesant en cacahuètes, elle lui avait demandé de trouver les dortoirs et de poser ses affaires dans une chambre inoccupée et de revenir à elle. Une fois son devoir accomplit, le golem était revenu, et Dalaja lui avait retiré ses deux premières lettres. Elle avait récupéré son tas de terre glaise qu'elle avait fourré dans un sac plastique, dans la besace qu'elle portait en bandoulière. Depuis, elle n'avait rien fait, à part ruminer dans son coin, Mouche perché sur son épaule.
Replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille d'un geste machinal, la jolie métisse s'avança vers la porte donnant dans le ventre du bâteau...

... Ca faisait bien un gros quart d'heure que Dalaja errait dans le navire, cherchant deséspérement les dortoirs où se trouvaient ses bagages, Mouche sur ses talons. Elle avait bien envie de lire un peu, allongée sur son lit, mais ça semblait assez mal parti pour l'instant. Surtout que son chat, prit d'une crise de folie subite venait de lui passer devant en la bousculant, et courrait ventre à terre derrière un truc vert (qui était en fait une sauterelle, qui venait faire Dieu sait quoi au premier étage, mais bon, qui s'y trouvait tout de même, en dépit du bon sens). Coursant Mouche en priant pour que personne ne l'entende s'époumonner derrière sa bestiole, Dalaja dévala à sa suite un escalier, passa en trombe dans un couloir, prit un deuxième escalier, et s'arrêta enfin à quelques pas d'une somptueuse piscine devant laquelle Mouche dégustait la proie qu'il avait enfin réussit à serrer (chacun ses goûts...).
La jeune fille s'adossa à un mur pour reprendre son souffle.
Notant cependant qu'un fin filet de vapeur d'eau s'échappait d'un interstice, à sa gauche, Dalaja se rendit compte que la paroit contre laquelle elle prenait appuit était en fait une porte avec un hublot couvert de buée...

*Un sauna? Hum, sympa...*

Un petit sourire se dessina sur les lèvres de la métisse. Il n'y avait absolument personne aux alentours, alors, pourquoi ne pas se laisser tenter par une petite séance?
Mouche avait fini sa sauterelle, et revenait, la tête haute, vers Dalaja, le ronron poussé au volume maximum, et visiblement très fier de lui. La propriétaire de l'animal le prit dans ses bras pour le gronder avec affection:

"Dis donc, minus, tu m'as fais courrir! Pour te faire pardonner, tu vas garder mes affaires, ici, d'accord? Moi je vais prendre un peu de bon temps dans le sauna, ok?"

Un coup de langue sur le bout du nez, façon de Mouche de faire comprendre "c'est bon, j'ai compris, t'inquiète", rassura Dalaja qui se dévêtit, gardant seulement soutien-gorge et shorty.

Poussant la porte, Dalaja fut assaillie par la vapeur d'eau chaude. C'était véritablement bouillant! La jeune fille prit un des nombreux élastiques à son poignet droit et attacha ses cheveux en queue de cheval avant de se décider à entrer dans le sauna.
C'était une vaste pièce aux murs couverts de lambris. En plein centre, près du foyer, Dalaja distinguait dans la vapeur une imposante porcelaine noire, et derrière... Il lui semblait appercevoir... Quelqu'un? Avec toute cette vapeur... Impossible d'être sûre.

"Dites, il y à quelqu'un?" demanda la jeune fille en mordillant une mèche échapée de la queue de cheval et mettant une main devant sa poitrine en "bouclier" au cas où...

Le calme plat qui régnait dans la pièce fut brisé quand la porte du sauna se réouvrit. La lumière en provenance des torches du troisième étage du bateau se répandit lentement et avec douceur dans la pièce. Malgré la vapeur, épaisse et blanchâtre, on pouvait distinguer, se découpant dans l'encadrement de la porte, la silhouette fine d'une jeune fille -ou alors d'une femme vachement bien conservée!- et qui semblait n'avoir qu'un bras et un moignon -elle avait sûrement dû replier son bras droit...
Tako avait espéré resté seul, au calme, dans cette pièce accueillante et reposante, mais il savait pertinemment qu'il ne pourrait rester bien longtemps ainsi, dans un bâteau volant peuplé d'adolescents et de professeurs déglingués...

"Dites, il y à quelqu'un?" fit la silhouette.

La voix avait l'air lointaine -la vapeur d'eau dense ralentissait sûrement la vitesse de propagation des vibrations de l'air- mais séduisante, avec un petit quelque chose qui lui donnait du charme.

*Croisons les doigts pour que ça ne soit pas ENCORE une de ses furies antipathiques et dégnérées...*

"Il y a quelqu'un!" répondit le jeune garçon, en echo à la-dite voix.

Elevé dans le respect d'autrui et la politesse, Takoru se leva pour accueillir la nouvelle venue dans la pièce. Les deux pieds posés sur le plancher brûlant, il sautilla sur place deux ou trois secondes, avant de reprendre une posture "normale", la plante des pieds habitués à la température du sol... mieux aurait-il fallut qu'ils ne s'y habituent jamais...
A peine eut-il fini sa petite "danse d'adaptation", que sa serviette, dont le "noeud" venait d'être détendu par l'agitation, tomba au sol. Le premier réflexe du garçon fut de positionner ses deux mains en cache-sexe. La serviette était tombée juste à ses pieds, mais il ne la voyait pas à travers toute la vapeur, aussi candide que le bout de tissu. Essayant de la rattrapper avec son pied droit, l'agrippant avec ses orteils, quand la serviette fut élevé à quelques centimètres du sol, Takoru perdit l'équilibre... et s'étala de tout son long, sur le ventre et nu comme un ver, par terre, dans un bruit sourd... comme une planche à découper que l'on ferait tomber parallèlement au sol d'une cuisine...