Accrochage en avant-midi [libre]

« Des oreilles triangulaires, poilues aux extrémités, c’est ce qui fait son charme particulier… Un pelage, blanc sur le museau et qui descend jusqu’au ventre, du reste il est tigré, mêlant le brun au noir. Les bouts de ses pattes sont blancs, comme le bout de sa queue. Mais ce qui frappe le plus chez ce chat, ce n’est pas seulement son prénom, soit celui que portèrent jadis certains rois de France, mais c’est plutôt son élégance. L’on dit que le roi Louis XIV dansait fort bien, et bien le chat Louis quant à lui, a la démarche princière, tout aussi légère et gracieuse qu’une quelconque figure de ballet exécutée par le plus beau danseur du monde. »

"Qu’est-ce que tu dis de ça mon Louis!? Plutôt cool l’introduction, pas vrai!? "

Louis, de son élégante démarche tout en souplesse et raffinement, trottait à la droite de son maître, tout près de ses pieds, sans apparemment porter attention au jeune homme qu’il accompagnait. Celui-ci tenait d’une main un petit livre à la couverture rouge, livre dans lequel il avait pigé l’introduction dont il était question en ce matin de début de grande aventure. Son autre main était rangée dans la poche de son jean qui lui était déchiré au niveau du genou et sous la fesse droite, ce qui laissait entrevoir le sous-vêtement de Joel! Mais rassurez-vous, il n’y avait là rien d’outrageux si ce n’est d’un short à carreaux verts et bleus qui lui, heureusement, n’était point orné d’une ouverture d’aération…
Vivement les vacances! Joel pouvait enfin s’habiller comme bon lui semblait et ce, en tout temps. Et donc, avec ce jean à la rockeur il avait enfilé un simple t-shirt dans les tons de gris-bleu et enfin, pour demeurer fidèle à l’habitude, trônaient sur ses pieds ses converses vertes pomme. Ah et n’oublions point sa légère, mais longue, écharpe grise qu’il avait enroulée autour de son cou, laissant pendre un pan à l’avant et un dans son dos également.

« Boucle d’or et ses parents, repartis dans leur bolide rouge afin de retrouver leur planète : L’Ennuyante Moldue, laissent derrière eux un héros bien heureux, Joel Le Grand, Le Fin, Moi. »

Le duo marchait sur le pont du Phoenix. Joel avait installé ses trucs dans une cabine après avoir abandonné sur le quai sa petite famille, puis était monté pour voir le ciel d’un peu plus près, accompagné comme toujours de Louis. Sans vraiment porter attention à la direction que prenaient ses pas, le poufsouffle s’était dirigé vers le pont, pour finalement s’arrêter près du rebord, rangeant son livret dans la poche arrière de son pantalon, pour ensuite poser ses mains sur le muret de bois qui servait de clôture. Louis était assis à ses pieds et faisait sa toilette, impassible comme toujours.

"Cependant, tu sais ce qu’on dit en littérature… Je est un autre. Et donc ce Moi que j’ai couché sur papier, c’est qui? Joel Blackburn ou celui qui lira ce que j’ai écris? Imagine un peu Louis, si cette règle des lettres s’appliquait à la réalité. Cool... Qui sait, je serais peut-être en vérité toi, et toi tu serais peut-être moi! Et peut-être bien que je dirais n'importe quoi! … Bon sang Louis, tu peux me le dire quand je commence à dérailler…"

Un regard pour les alentours.

"On s’ennuie… Tu parles d’une aventure… Oh! Tient, tient, tient… Ca te dirait de jouer aux singes, Louis?"

Quatre mâts sur le pont, et tous se voyaient habillés de cordes descendant des voiles jusqu’au bas. Joel se dirigea donc vers l’un de ces mâts, le sourire aux lèvres et le regard un peu trop absorbé par son objet de convoitise. Résultat : collision! Coup d’épaule sur coup d’épaule, Joel perdit l’équilibre et tournoya sur lui-même un moment, manquant de percuter Louis qui poussa l’un de ces miaulements mécontents à la vue d’un pied de son maître un peu trop près de son museau. Joel s’arrêta et fit face à la source de sa quasi-chute. Il prit un ton autoritaire et un air mécontent, peut-être un peu trop exagéré pour être crédible... mais quand même, c'était pas mal!

"Dis donc matelot, fais gaffe ou je t’envois à la planche!"

Bien entendu, il n’avait pas put résister à l’envie de jouer et c’est ce qu’il faisait en ce moment même, seulement il fallait deviner…

Avez-vous remarqué que quelqu'un change physiquement, plus particulièrement nous-même, nous avons la fâcheuse manie de rester perplexe quelques instants, absorbé par ladite transformation ? Par curiosité, par satisfaction, ou, au contraire, par dégoût. C'était un mélange des trois qui avait frappé Monika ce jour-là. Par à une brusque envie de renouveau, la donzelle avait teint ses longs cheveux d'ébènes, pour obtenir l'étrange couleur que voilà : prune, avec quelques mèches variantes ci et là. Cette métamorphose avait été faite la veille, soit le jour du départ, et c'était bien la première fois que la demoiselle se réveillait avec pareille teinture.

Par sa coquetterie peut-être un peu trop développée, la Gryffondor n'avait cessé de passer sa main dans ses cheveux et jeter un coup d'oeil à ses moindres reflets, ce qui lui valait un certain manque d'attention quant aux alentours. Elle entra sur le pont, miraculeusement seule cette fois-ci. En effet, Monika était ordinairement accompagnée d'un groupe d'amis, ou du moins avec une quelconque autre personne. Il était vrai qu'elle venait tout juste de se réveiller, et avait eu la chance de ne dormir ou de ne croiser l'une de ses inséparables "copines", qui commençaient sérieusement à lui taper sur le système. C'était le genre de personnes où leur compagnie fut en premier temps un plaisir, et en second temps un fléau laissant voir tous leurs défauts. Et leur principal était de taille : toujours, toujours se plaindre. Il fallait dire que Monika les avait en majorité rencontré en 4ème année, dans sa période d'ado rebelle, surmaquillée et superficielle. Et en y repensant, ce n'était pas forcément une excellente époque pour y faire d'agréables connaissances.

Habillée d'un large jean bleu apparemment trop grand pour elle - elle avait prit soin d'y mettre des bretelles vertes -, fortement serré aux fesses et excessivement évasé par la suite, elle portait en guise de haut un simple boléro orange, laissant donc voir la totalité de son ventre. Son nombril arborait un pierçing avec un smiley souriant jaune vif. Sa silhouette était à peine rehaussée par des chaussures ouvertes à petits talons, invisibles sous le tissu du pantalon. C'était dans cet original méli-mêlo de couleurs et de vêtements que la demoiselle fit donc son entrée sur le pont, caressant une énième fois ses boucles violettes.

La jeune fille observa un instant les alentours. Beaucoup discutaient le plus calmement du monde, certains, accoudés au bord, regardaient rêveusement le ciel, d'autres encore, un peu trop abusés par le décor, allaient et venaient théâtralement, se prenant pour des flibustiers. Quelques-uns étaient seuls, comme ce gars, là-bas, avec son livre et son chat, qui était en très grande discussion avec celui-ci. Le navire volant avait décidément des effets particulièrement nocifs - ne voilà t-il pas que deux élèves combattaient avec leurs baguettes comme des pirates avec leurs sabres.

Lançant un sourire amusé à ces derniers, Monika se dirigea vers l'un des quatre mâts du pont, non pas pour être corsaire à son tour, mais plus pour admirer qu'autre chose - elle n'avait, après tout, rien d'autre à faire. Elle s'arrêta devant l'un de ces gigantesques morceaux de bois où pendouillaient d'énormes cordes plus vraies que nature. Les mains derrière le dos, la tête levée à s'en choper un torticolis, la jeune fille écarquilla les yeux à la vue de la majestueuse voile immaculée de blanc qui se dressait au bout du pylône. Puis, son regard glissa le long du mât, jusqu'à ce qu'il se tienne juste en face d'elle,où elle vit son reflet dans le bois fraîchement ciré. Instinctivement, elle rajusta son haut et passa une main dans ses cheveux, avant de se faire soudainement heurter par quelqu'un venu de nulle part.

Rien de grave, aucun des deux ne tomba, et la jeune fille fût juste un peu secouée - et un peu agacée ; elle n'aimait pas être bousculer. Elle se retourna vivement vers son assaillant, les sourcils froncés.

"Hey, tu pourrais faire att..."

Mais elle fut coupée par la voix clairement contrariée de son interlocuteur. Celui-ci, plus grand qu'elle, avait une moue immodérément fâchée et son étrange réplique laissa Monika dans une expression dubitative. C'était le jeune homme qui parlait avec son chat, et vu de plus près, il paraissait encore plus bizarre. Il l'appelait "matelot" et avait l'air trop irrité pour une simple bousculade. Etait-ce un de ces cinglés qui se prenaient pour un boucanier ? Il en avait tout l'air. Ou alors, faisait-il réellement parti de l'équipage ? Il y avait à bord un capitaine et quelques marins, mais Monika était sûre qu'ils ne portaient pas le traditionnel uniforme rayé de blanc et de bleu.

Une seconde de réflexion, suivi d'un raclement de gorge.

"Et on s'adresse autrement à une dame, moussaillon."

Avait-elle fait cela pour jouer le jeu, ou simplement répliquer dans les règles de l'art ? Son air incrédule avait disparu et elle s'était relevée, une main sur la hanche, un sourcil arqué, attendant vraisemblablement des excuses. Elle avait l'air très sérieuse, bien qu'une fossette vint à se creuser sur sa joue ; ses yeux pétillaient, et elle fixait sans ciller les yeux clairs de son partenaire. Si jouer un pirate semblait être coutume sur ce bateau, pourquoi devrait-elle faire exception?

Jouer? C’est vrai qu’en premier lieu, on avait bien dit jouer. Seulement… Car toujours, ou presque, un mais, ou alors un seulement, ou parfois un cependant, s’impose avec Joel. L’occasion était trop belle pour ne pas être saisie.
Dans ces grands yeux émeraude qui étaient rivés aux siens, ces grands yeux uniques que Joel se souvenait avoir aperçu à quelques reprises, oh que oui dis-je, dans ces deux superbes billes vertes d’autant plus électrisantes par leur exotisme, Joel avait lu la méconnaissance. Il était sans nom, sans identité, il était un inconnu dans la jungle lumineuse de ce regard, il y était perdu et donc, il se frayerait lui-même un chemin, tracé à l’improviste selon un plan flou, élaboré en ce moment même, pendant les quelques fractions de secondes qu’il lui fallut pour mettre ses méninges en marche et répondre par la suite.

Il faut dire qu’il était normal que ces deux jeunes gens ne se connaissent point. L’une était de gryffondor, l’autre de poufsouffle et l’une était du genre plutôt entouré en temps normal tandis que Joel lui, se contentait bien souvent de la compagnie de son compagnon félin, et j’ai nommé Louis, le non seulement beau, mais très fidèle aussi. La preuve, il était toujours là, aux côtés de son fou et puéril de maître, sagement assis à constater la jeune fille d’un air curieux. À quoi songeait-il donc? Drôle de spécimen la petite dame! Quelle drôle de souris… Dis donc, ca se mange ça? Qui sait vraiment ce que l’esprit de Louis peut bien faire mijoter. Ce chat semble si sage… Et heureusement qu’il l’est! Cela dissout un peu le caractère légèrement excentrique de Joel.

Un sourire au coin de ses lèvres. Le voilà qui entrait dans la peau de Jo le matelot et sans aucun doute, l’expérience n’était point désagréable et plutôt aisée pour un habitué au jeu comme Joel.
La première rencontre de Jo avec le monde extérieur, soit celui hors de Joel Land, abîmes et volcans, dangereux terrain propice aux changements brutaux, soit ce qui sert de cerveau à monsieur, bref, ce contact avec la réalité donc, était tout ce qu’il y a de plus… ravissant. Une princesse venue d’exotiques paysages provenant de tableaux surréalistes, transportée à dos d’éléphant et accompagnée par une horde de macaques qui lui servaient de bodyguards.
Bref, envers cette dame, comme elle l’avait elle-même souligné, il fallait se montrer beaucoup, mais alors là beaucoup plus galant et donc, c’est ce que le jeune poufsouffle fit, et pas qu’un peu! Il prit un air surpris en constatant à qui il avait à faire, puis s’inclina jusqu’à toucher le plancher de bois de l’un de ses genoux. Quel bon preux chevalier il aurait fait! Après s’être suffisamment courbé le dos, Joel se redressa et ce tint bien droit. La tête légèrement baissée cependant, sans pour autant quitter des yeux la demoiselle, il prit un ton d’excuses.

"Veuillez excuser ma terrible méprise mamzelle, c’est que, je vous ai prise pour un de ces rêveurs de petits nouveaux matelots!"

Il releva la tête, présenta sa main droite et prit un ton solennel.

"Permettez-moi de me présenter, je suis Jo, n’hésitez pas à me demander quoi que ce soit, je suis votre dévoué serviteur pour la totalité de la durée de ce voyage, mamzelle! Puis, se relâchant un peu, prenant des airs un peu plus naturels, moins crispé. C’est bien la première fois qu’on reçoit autant de jeunes gens pour un si long voyage! Vous êtes de… Foudelard c’est ça? C’est votre première fois sur un navire dans le genre?"

C’est à croire si Joel se souvenait avoir été Joel la minute d’avant… Maintenant, il était Jo. Et c’était fichtrement amusant…

S'étant sans doute persuadée qu'elle mènerait la partie, Monika ne pu dissimuler son étonnement face à cet entreprenant jeune homme. Elle en était-même à se demander si celui-ci faisait belle et bien parti de l'équipage. Pourtant, il lui semblait l'avoir entr'aperçu à Poudlard, ce garçon aux airs gentiment rêveurs. Ses traits étaient juvéniles, mais il devait bien avoir plus de 15 ans ; sa voix était grave, et il dépassait Monika d'une bonne tête, elle qui était pourtant reconnue par sa grande taille. Oui, la demoiselle s'en souvenait bien maintenant ; elle ne l'avait croisé que quelques rares fois au château. Sa tête s'associait à une écharpe jaune et noire et son chat résumait sa fréquente compagnie. Ce Poufsouffle émanait d'une bizarrerie intrigante, presque charmante : il possédait ce côté insolite qui, bien qu'attirant certainement des moqueries, provoquait aussi un fascinant mystère.

Il s'agenouilla, s'excusant bien trop courtoisement. Mais loin d'entraîner un ennui chez la jeune fille, cela la fit rire, d'un rire mêlant à la fois stupeur et amusement. Elle le regarda faire son petit manège, ne s'attendant pas à une telle réaction. Son camarade prenait apparemment très à coeur son statut de galant pirate, et cela était assez déstabilisant. Tout y était ; le ton, les mimiques, la scène. On se serait cru dans un gigantesque théâtre, et ce n'était pas les élèves avoisinants devenus matelots qui tranchaient avec cette atmosphère transatlantique. Le tout était extrêmement séduisant. Qui aurait pu résister à une ambiance si envoûtante ? Cela faisait bien longtemps que Monika n'avait pas goûté au plaisir du jeu de rôles, en partie par sa fierté d'aînée qui se refusait à ce divertissement qu'elle jugeait enfantin. Mais, bien des années plus tôt, n'avait-elle pas éprouver grand plaisir à simuler une autre vie dans un autre univers ? Pourquoi cela aurait-il finalement changer ? Puisque l'occasion se présentait, il était temps d'oublier sa superbe et de s'évader.

Elle passa théâtralement une main dans ses cheveux, se laissant quelques secondes pour répondre.

"Je vous pardonne, mon bon. Il est vrai que ces jeunots sont vraiment turbulents."

Pas meilleure comédienne qu'une autre, elle ne se débrouillait pas trop mal, mais bien moins que son partenaire, qui, quant à lui, semblait être un fervent acteur. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire et sa voix manquait un tantinet de conviction, mais son jeu restait satisfaisant. Elle épousseta inutilement ses vêtements, puis reprit ;

"Mon dévoué serviteur ? Voilà qui est plaisant. Je suis effectivement de Foudelard et je me nomme Monika, Moka pour les intimes. "

Moka. Ça lui était venu comme ça. Une envie. Ce n'était pourtant pas très féminin, mais ça faisait pirate, l'air de rien. Puis, c'était amusant, de changer de nom. Et Jo, était-ce vraiment le sien, où venait-il tout juste de l'inventer ? Quoiqu'il en soit, pour Moka, il était Jo. Jo l'Pirate. Ça sonnait bien. Ça s'harmonisait tout à fait avec son apparence pétulante et décontractée. La jeune fille marqua une pause. Et elle, qu'allait-elle devenir ? Fidèle à elle-même ou d'une toute autre personnalité ? Elle se tâtait encore. Une petite écervelée aurait été divertissante à jouer, mais Monika avait-elle le talent qu'il faudrait ? Elle pouvait prendre le risque, mais elle décida d'improviser un caractère en fonction de son partenaire.

"C'est en effet la première fois que je bourlingue sur pareil navire. Mais ce n'est pas la première fois que je fends les flots, je suis même une habituée du genre."

D'un gracieux coup de tête, elle balança en arrière ses longs cheveux, poussant un profond soupir. Elle scruta un instant le pont, les bras croisés, prenant l'air d'une capitaine surveillant ses matelots. Elle reposa ensuite ses yeux sur ceux de son collègue, un sourire au coin des lèvres.

"Et vous, mon cher ? Venez-vous de Foudelard ou faîtes-vous parti de l'équipage ? Vous semblez avoir une certaine autorité ici, si vous me permettez."

Il fallut à Joel user de tout son talent et de toute sa concentration d’acteur pour passer outre le pétillant rire de la princesse, et il y parvint. Il faut dire qu’il en avait l’habitude. Avec Julian, il se pratiquait souvent à demeurer de glace, insensible à un quelconque élément perturbateur qui pourrait lui faire rater sa scène. Julian était plutôt lent dans son genre et il n’était pas rare qu’il ne comprenne rien du charabia pourtant clair de son frère. Bref, Joel savait garder un rôle. Et puis il y avait le décor, tout à fait réel, c’était comme jouer en location!
Cependant il ne put réprimer un franc sourire à l’écoute des répliques de madame qui faisait virevolter ses cheveux d’une façon très élégante, elle surclassait Louis pour se coup là, il fallait l’avouer. Tout de même ce sourire, reste qu’il était de Jo l’pirate.
Passant complètement outre les quelques imperfections dans le jeu de la jeune femme, Joel l’encourageait ainsi, à sa façon, à ne point lâcher prise. Il ne fallait pas abandonner, sinon ca détruisait tout un univers et ca ramenait au réel beaucoup trop abruptement, ce serait cruel, Joel en mourrait probablement! … Il répondit au commentaire de la jeune femme sur les jeunots turbulents en se donnant des airs de capitaine.

"Que oui ils sont turbulents! Une petite saucette avec les albatros en fait bien souvent reculer plus d’un…"

Moka… C’était joli, drôlement joli. Prenant des airs quelque peu séducteurs, Jo l’pirate reprit la parole, exécutant de nouveau une de ses courbettes, mais cette fois de façon plus discrète.

"Enchanté de faire votre connaissance, Moka. Parce qu’évidemment, il se considérait comme un intime… Ce nom vous va… à ravir. " Avec une pincée de passion à la fin s’il vous plaît, et pourquoi pas, un regard de dangereux séducteur qui s'avèra plutôt dans le registre du comique.

Joel changea carrément d’attitude suite à la réplique de Moka qui suivit. Un sourire amusé sur les lèvres, l’air malicieux, il constatait la jeune femme d’un œil quelque peu différent à présent. Une habituée alors! Et bien, et bien, cela devenait intéressant. Joel se l’imaginait comme une lady, une coquette demoiselle, mais qui aimait l’aventure et qui était beaucoup moins innocente qu’elle pouvait parfois le laisser croire.
Comme dans les romans d’aventures… Elle aussi au fond était sans doute avivée par un désir de se détacher d’un quotidien redondant et ennuyant, avivée par l’envie de s’aventurer en de terrains inconnus, loin des répliques devenues automatiques que l’on se renvoyait habituellement, loin des habitudes, des routines, etc. Tout ça dans le but de devenir créateur, faiseur des merveilles, comme Joel, et non un automate. Qu'il soit fils, fille, ami(e) ou élève, un automate est un automate et c'est dans le but d'éviter d'en devenir un que Joel avait créé son empire intérieur, Joel Land. Bref, revenons à nos moutons.
Et donc de nouveau Joel sourit, à la fois étonné et amusé par la découverte d’une Moka peut-être un peu pirate dans l’âme, elle aussi.

"Vous me voyez heureux de compter une mamzelle telle que vous à bord!" Fit-il, sympathique.

Visiblement, la mention de la dite autorité de Jo flatta Joel, il sourit un moment puis, songeur, il regarda au loin, les mains sur les hanches, les jambes légèrement écartées, le chercheur d’or reprenait du service. Mais le côté espiègle de Jo, le renard en quelques sortes, ne tarda point à se remontrer le bout du nez. Les yeux rieurs, ce même sourire au coin de sa bouche, Joel posa son regard sur Moka de nouveau.

"L’autorité sur un navire est une chose que l’on n’acquiert point facilement mamzelle, demandez au capitaine! En ce qui me concerne, il serait plus juste de dire que j’ai une certaine expérience en navigation et tout ce qui s'y rapporte, tout simplement… C’est à peine si je suis né sur un navire! Puis, sur un ton de confidence, approchant légèrement son visage de celui de la jeune femme il continua. Et à dire vrai, plus je me trouve près du ciel, mieux je me sens."

Joel se redressa et offrit son bras droit à Moka, tel un vrai gentleman. Il avait plutôt fière allure.

"On n’a pas besoin de moi pour l’instant et… si le cœur vous en dit, je vous offre une petite visite du pont, gracieuseté de Jo!" Conclut-il avec un clin d’œil.

Il l'appelait Moka, bien qu'elle eût signalé cette appellation par ses intimes. Oh, c'était loin d'être le cas, et cette phrase était plus pour faire classe qu'autre chose. On arrivait rarement à la surnommer, aussi avait-elle toujours rêvé d'ajouter cette terminaison lors de sa présentation. "Pour les intimes". Voilà un fantasme qui venait tout juste de se réaliser. Grâce à Jo. Elle le lui rendrait. Jo l'Pirate était un homme bien.

Lorsqu'il la complimenta, elle eût un sourire faussement gêné, baissant légèrement la tête, poussant un petit soupir timide. Elle-même ne rougissait d'habitude pas. Il fallait vraiment l'embarasser, et au fil du temps, elle était même presque devenue insensible aux flatteries, bien que celles-ci, quand elles semblaient sincères, lui faisaient toujours plaisir. Mais il était temps de sortir de l'ordinaire, et paraître intimidée avait quelque chose de plaisant. De son côté, Jo l'Pirate faisait son séducteur, et la scène n'en fut que plus crédible. Moka entortilla nerveusement une mèche de ses cheveux parmes, et répondit, levant son pied, sa pointe pivotant lentement sur le sol ;

"Vous allez me faire rougir, Jo."

Puis, elle reprit doucement une position normale, les yeux toujours posés sur ceux de son interlocuteur. Elle souriait. Ce petit jeu l'amusait beaucoup. Tant pis si elle avait l'air d'une cinglée et qu'elle serait sujette à diverses moqueries. Elle qui avait une sainte horreur des critiques, elle s'en fichait éperdument à cet instant. Elle ne voyait que Jo, ce charmant pirate, ce magnifique pont, ce navire où se cachaient milles merveilles. Car elle en était sûre, à présent ; loin d'être un bateau, le Phoenix était une source inépuisable de trésors. A commencer par l'imagination, que la rationnelle Monika venait d'embrasser à pleine bouche pour devenir la fougueuse Moka que voilà. Oublions les vêtements que les deux étudiants portaient, ils arboraient à présent un costume digne de leurs personnages. Jo, vêtu comme un pirate, son écharpe négligemment mise sur sa tête, une large chemise blanche nouée à la taille par un châle en guise de ceinture, avec un pantalon noir rentré dans des bottes en cuir. Mais elle, Moka, de quoi était-elle revêtue ? D'un corset sans doute, mais d'une robe ou d'un bermuda ?

Laissant de côté ses histoires de chiffons, Moka, à la seconde louange, s'inclina légèrement. Jo se disait heureux de la compter parmi les passagers, et cela lui valut un sourire encore plus grand.

"Mais c'est un plaisir partagé, mon cher ami."

Elle se redressa, écoutant attentivement les paroles de son partenaire, prenant un air admiratif. Sa confidence la fit acquiescer, laissant croire qu'elle éprouvait le même sentiment que lui. Lorsqu'il lui tendit son bras, la jeune fille le regarda un instant. Une visite guidée en compagnie de cet aimable moussaillon ? Quiconque aurait refusé aurait été bien sot, et Moka n'hésita pas longtemps avant de s'agripper délicatement à son camarade, ses yeux redoublant de brillance. Elle posa même ses deux mains sur le bras de Jo, dévoilant une certaine confiance. Elle rit à son clin d'oeil, et avait l'air tout a fait enthousiasmer à l'idée d'être escortée.

"Fort bien ! J'accepte volontiers."

Un énième sourire se dessina sur ses lèvres, et elle observa furtivement autour d'elle. Tant de choses à voir et à explorer ! Dire que cela n'était que le pont, et que le Phoenix recelait de bien des salles encore. Que de mystères à trouver !

Elle jouait bien les égrillardes, la petite dame, avec sa main dans ses jolis cheveux! Et le coup du pied qui tortille, c’était bien joué là aussi. Il faut croire que le Dom Juan en Joel avait réussit son coup… S’il n’avait pas été en plein jeu, Joel aurait sans doute éclaté de rire à cette pensée. Le Dom Juan en lui efficace? Ce serait toute qu’une nouvelle si vraiment c’était vrai! Non mais vraiment, c’est qu’il n’y avait pas pire célibataire que Joel… Techniquement, on ne peut pas vraiment être pire célibataire que quiconque… Seulement dans le cas de Joel, il faut faire exception. Se faire larguer par une étoile, c’est quand même un peu… particulier. Ou encore, laisser sa petite amie pour une fleur, c’est pas tellement mieux… Bref, passons outre les amours de monsieur Blackburn, elles ne méritent point toute cette attention.
Sourires après sourires, Jo l’pirate se montrait un galant hôte et il fut ravi de voir Moka agripper le bras qu’il lui offrait. Souriant, il l’entraîna vers l’avant d’une démarche lente.

Il tendit l’index de sa main libre vers le ciel, indiquant de grands oiseaux aux ailes sur-proportionnées.

"Des albatros. Un type d’oiseau qui, véritablement, n’est pas fait pour vivre sur la terre ferme. … Je suis mauvais guide je suis désolé. Je risque de dire des trucs plus ou moins intéressants. Je suis plus doué dans l’art de la contemplation, mais pour vous, gente dame, je veux bien me risquer et faire un effort."

Il tendit la main vers sa gauche, indiquant l’un des mâts. Au haut il y avait tous pleins de hiboux.

"Le mât postal. Vous pourrez utiliser ces hiboux pour votre courrier à votre guise."

Jo l’Pirate le guide touristique. Ca sonnait un peu drôle et faux son truc, mais ca faisait parti de Jo, toujours et encore! Nouveau signe de main accompagné d’un air malicieux et d’un regard complice pour la jeune femme.

"Là, le pont supérieur. Ne vous y aventurer point inutilement, les Foudelariens n’y sont pas les très bienvenus…"

Et lui non plus à dire vrai, mais ça, c'était un détail... Il effectua un virage, les voilà qui se retrouvaient de l’autre côté du navire.

"Les canots juste ici. Vous et votre prétendant pourrez sous ces toiles profiter d’un peu d’intimité… fit-il sur un ton lourd de sous-entendus. Là, la planche. Suffit d’obéir pour l’éviter! Règle pourtant simple, mais que certains simples d’esprits semblent ne pas avoir comprise encore… Et là plus loin il y a la proue, une vélane. Pas une vraie! Mais disons que la ressemblance est plutôt marquante…"

Jo s’arrêta et se plaça devant Moka, il prit ses mains dans les siennes et lui sourit, il demeura muet un moment, le regard rivé à celui de la jeune femme. Puis il s’approcha jusqu’à ce que ses lèvres frôlent l’oreille de la demoiselle, il posa l’une de ses mains sur la taille de la jeune femme, sans insister davantage cependant, et garda son autre main dans la sienne, puis il murmura doucement, un sourire en coin au visage.

"La prochaine fois, je vous fais découvrir les petits secrets de ce navire, qu’est-ce que vous en dites?"

Là vraiment, il se surpassait, ce sacré Joel! Sacré Jo plutôt! Voilà ce qu’il lui faisait faire! Un petit flirt pour s'amuser, mais tout de même, en temps normal, c’est le genre de truc qu’il n’aurait même pas songé à faire, Joel, beaucoup trop sur la lune pour songer à séduire de cette façon, cependant Jo lui, il avait tout comprit… Ou alors rien, l’on verrait bien!

C'est en buvant les paroles de son guide que Moka découvrit les différentes parties du pont. Son intérêt était certes doucement exagéré, mais la demoiselle n'en demeurait pas moins captivée. En effet, elle n'avait que très furtivement observé le pont la veille, et s'était plutôt penchée sur le troisième étage, qui, comme une majorité d'élèves, avait eut sa préférence.

Ce fougueux pirate la faisait décidément beaucoup rire. Le faisait-il exprès ? Ses répliques amusantes la charmaient, sans qu'elle ne pu dire pourquoi. Sans doute que son naturel et sa manière de tourner les phrases avaient quelque chose de séduisant. Elle ne dit rien pendant la totalité de la visite, opinant, regardant, un sourire coquin peut-être lors des canots, mais rien de plus. Moka fut attentive et se soucia de tout ce que Jo lui montrait. Le mât postal ? Ingénieux. La planche ? Elle n'aurait sû dire s'il disait cela pour plaisanter, mais n'eût cependant pas envie de vérifier. La proue ? Quoi de mieux qu'une vélane pour faire bonne figure ? Mais fort heureusement, elle n'était pas vraie. Moka n'osa imaginer le nombre de matelots qui se seraient jetés dans le vide dans le seul but de l'impressionner. Un pointe de jalousie ? Comme toutes celles de la gentes féminine. Mais perdre tout un équipage pour une chose aussi inutile, c'était quand même triste.

"Jo? Que..."

Jo venait effectivement de s'arrêter et de lui prendre les mains, la regardant longuement sans mot dire. Moka écarquilla ses grands yeux verts, l'interrogeant du regard. Milles pensées lui traversèrent l'esprit. La première fut tout d'abord qu'il se mette subitement à danser, l'entraînant dans une éprouvante valse. La position était adéquate, et le pont aurait fait office d'une fort convenable piste de danse. A moins qu'il souhaitait lui demander quelque chose ? Peut-être voulait-il l'emmener en canot, cet espiègle pirate ? Ne voilà t-il pas qu'il posa une main sur sa hanche et lui murmura aux creux de l'oreille une croustillante proposition. Cela fit esquisser un large sourire sur les lèvres de la jeune fille, et, reculant sa tête pour mieux le voir, elle le regarda malicieusement. Quelle réaction prendre ? Jouer la fille facile et se laisser tenter ? Mais la suite aurait été beaucoup moins amusante à jouer. Opposer une douce résistance ? Ou rester pleine de mystère ? Moka, derrière ses airs de princesse, avait plus d'un tour dans sa poche, et se ferait un plaisir de tenir tête à ce plaisant pirate.

Elle posa son index sur les lèvres de Jo, lui répondant d'une voix séductrice enrobée d'hésitation ;

"Hmm, je ne sais pas, mon cher Jo. Cela dépend de quels secrets vous voulez parler."

Elle regarda un instant le ciel, semblant réfléchir. En fait, elle avait une idée bien précise en tête, mais aimait à se faire désirer. Faire attendre gentiment les gens lui avaient toujours plu. Savoir que l'on était souhaité flattait assurément son ego, aussi ne s'en gênait-elle pas. Après mûre réflexion, Moka posa délicatement ses mains sur les épaules de Jo, rapprochant sa tête de la sienne, les yeux brillants.

"J'ai entendu parler d'une énigmatique salle, dans la cale. Est-ce donc de ses mystères que vous me dévoilerez ?"

Elle lui sourit innocemment, penchant légèrement la tête. Si Jo l'y emmenait, elle faisait d'une pierre deux coups, non seulement car elle avait particulièrement envie de trouver ladite pièce, et que la compagnie de Jo lui était fort agréable. Elle n'aurait osé espéré mieux comme rencontre sur ce bateau. Un pirate charismatique, qui se proposait d'être son guide mais aussi son dévoué serviteur. Aurait-il fait vraiment tout ce qu'elle lui aurait demandé ? Hey, et si elle essayait ?

Ouaaaais, vraiment ce Jo, un vrai professionnel! Pourvu qu’il n’abandonne pas Joel dans sa totale ignorance, pourvu qu’il en retire quelques apprentissage ce pauv’ gamin! Et puis il n’aurait pu ce comporter autrement qu’en parfait gentleman-pirate, vu son invitée ma foi, exceptionnelle… Il fallait se montrer à la hauteur tout de même! À la hauteur d’une coquine demoiselle vraiment…

Les lèvres de Joel s’étirèrent en un fin sourire lorsque le doigt de Moka se posa sur celles-ci. Ses yeux brillèrent de malice. Elle jouait bien, si bien que véritablement, il se prenait au jeu. Jouer était à peine nécessaire, les réactions lui venaient de plus en naturellement. La scène prenait un enrobage de mystère. Jeu et séduction étaient à la table d’hôte en cette rencontre peu commune.

Lorsque la jeune femme posa ses mains sur ses épaules, Joel quant à lui posa son autre main sur la taille de la demoiselle. Qui l’eut crut? Monika Vidisha la toute belle, sociable, plutôt prisée par maints messieurs, dans les bras de Joel Blackburn, drôle de spécimen, blanc comme un drap et pas trop populaire lorsque vient le temps des bals. Mais là n’étaient point les pensées de Joel, non, aucunement, il avait bien mieux à penser que ce genre de futilités qui, bien entendu, lui passaient milles pieds au-dessus de la tête. À savoir même s’il lui arrivait de voir passer dans son esprit l’ombre de ces frivolités! Mais enfin, n’insistons point trop sur le sujet ou alors ce pauvre garçon perdra le peu de crédibilité qu’il possède.

Mais c’est qu’elle osait, la jolie Moka! Les yeux verts rivés à ses azurs iris, comment Jo l’pirate pourrait-il bien résister à cette friponne jeune dame? Ses charmes étaient difficiles à contrer et d’ailleurs, Jo ne semblait pas tellement prompt à les éviter, bien au contraire même. Il se laissait séduire avec la docilité d’un serpent attiré par la flûte d’un habile charmeur.
Il resserra même légèrement son étreinte et, aussi biscornu que cela aurait put paraître, il entama une danse, un slow, comme on dit, là, sur le pont et tout en tournant lentement en rond, il susurra à l’oreille de sa partenaire, sentant sur son visage les longs cheveux de Moka le chatouiller d’une façon qui s’avéra plutôt douce et agréable. Cependant avant de faire une quelconque offre ou révélation, il profita un court instant du silence, ainsi que de la douceur de l’extravagante chevelure contre laquelle il avait posé sa joue.

"Voyons voir… Énigmatique salle dites-vous? Hmm… Je cherche, je cherche…. Et en vérité, il n’avait sut contenir un petit sourire moqueur sur le coin de sa bouche, mais ça, elle ne pouvait pas le voir… Énigmatique comme mystérieuse, secrète? Je crois savoir ce dont vous parler…"

Joel cessa de tournoyer et se défit un peu de son étreinte afin de pouvoir regarder Moka dans les yeux. Il prit un air indécis, hésitant.

"Cependant… Je ne crois pas qu’il soit très raisonnable de s’aventurer en ce genre d’affaire… Retrouvant un air taquin. Cela dépend de vous mamzelle! Puis, comme pour l’effrayer. Qui sait si vous ne découvrirez pas d’horribles secrets dans cette salle!? Des histoires qui vous plongeront dans un hasardeux complot… Un sourire se dessina de nouveau sur son visage. Sage touriste, ou aventureuse exploratrice?"

Savait-il seulement si une telle salle existait en ce navire? Joel préféra éviter la question lorsqu'elle menaça de faire irruption dans ses réflexions. Il règlerait ce détail plus tard...

Il est vrai que la scène, en plus d'être composée de personnage purement fictifs, était étrange. En effet, pour tous ceux dont la réalité l'avait emportée sur l'imaginaire, voir converser - converser, que dis-je ! s'acoquiner même - la sociable Monika Vidisha avec l'insolite Joel Blackburn était pour le moins singulier. Et que de rumeurs courraient déjà sur leur sujet ! Hormis les pirates, étudiants ou réels matelots, la plupart des élèves les regardaient tout deux d'un oeil critique. Comme ils étaient proches ! Il posait ses mains sur ses hanches. Voilà qu'ils dansaient, serrés l'un contre l'autre ! Bien que Monika avait côtoyé la majorité de ces camarades, certains étaient plus surpris par la réaction de Joel que par la sienne. Après tout, l'Africaine n'avait jamais eu de mal à aborder un homme, bien que le Poufsouffle était fort loin de ressembler à ses anciennes conquêtes ou aux garçons qui habituellement lui plaisaient ; Joel, par contre, n'était pas réputé pour être un bourreau des coeurs, et ses éventuelles petites amies avaient toujours été discrètes. Alors, que faisaient-ils ensemble, ces protagonistes aux caractères si opposés ?

A défaut de rendre intelligent, la superficialité rendait bavard. Les cancans étaient déjà lancés. Les plus mauvaises langues disaient que la nouvelle couleur de Monika lui avait ramolli le cerveau, d'autres suspectaient Joel de lui avoir fait goûter un quelconque breuvage qui s'avérait être un puissant philtre d'amour.

Car aux yeux du peuple, il était évident qu'ils avaient un faible l'un pour l'autre. Jo et Moka, peut-être ? Pour sa part, Moka le trouvait très séduisant, ce cher pirate. Il était entreprenant et gentiment charmeur. Et puis, n'était-il pas son serviteur ? Voilà quelque chose dont de rares femmes n'y auraient pas été intéressées. Lorsqu'il l'emmena doucement danser, elle se laissa faire, suivant les pas de son compagnon avec volupté. Elle sentit sa tête se poser sur ses cheveux, ce qui la fit légèrement frissonner. Elle en esquissa même un sourire, invisible aux yeux de Jo. Elle lui laissa le temps de répondre, insensible aux regards éberlués que lui lançaient certaines de ces filles futiles qui comptaient parmi ses amies.

La demoiselle rit de nouveau aux paroles de Jo.

"Aventureuse exploratrice, bien sûr. Plus le lieu est dangereux, plus j'aime m'y risquer."

Elle lui fit un clin d'oeil suivi d'un large sourire. Elle passa une main dans la frange de son compagnon, le regardant un instant, l'air malicieuse. Elle semblait réfléchir à son tour, puis replaça ses doigts sur son épaule.

"Par contre, je n'aime pas brûler les étapes. Vous m'avez bien fait visiter le pont, aujourd'hui...et je pense que nous reporterons la salle mystérieuse à demain, si vous le voulez bien. Il ne faut pas abuser des bonnes choses, mon cher Jo." poursuivit-elle en s'éloignant doucement de lui, glissant sa main le long de son bras.

Puis, la jeune fille relâcha complètement le contact, reculant. Elle le regarda un instant, ne cessant de sourire. Elle étira ses bras, poussant un profond soupir de satisfaction. Elle esquissa une gracieuse révérence.

"J'ai été ravie de vous rencontrer, Jo. Ce fut une très agréable expérience."

Moka se rapprocha de nouveau de lui et lui claqua un bisou sur la joue. Elle lui murmura ensuite l'heure du rendez-vous, devant l'escalier qui menait à la cale, le lendemain matin. Elle le regarda une dernière fois, puis tourna les talons, se dirigeant lentement vers la sortie. Pas qu'elle avait envie de quitter son partenaire ; c'était même bien loin d'être le cas. Elle serait restée des heures durant, à valser dans les bras de ce plaisant pirate ! Mais de nature imprévisible, elle aimait désorganiser l'ordinaire. Nombreuses seraient restées avec Jo, et seraient même directement allées dans cette mystérieuse salle. Mais pas Moka. Elle préférait savourer petit à petit. Et par-dessus tout, elle adorait se faire désirer.

Les mains dans les poches, Joel regardait s’éloigner Monika, ou plutôt Moka, les joues rouges, brûlées par un baiser. Heureusement pour Jo l’Pirate, il avait droit à un moment de répit, question de retrouver tous ses esprits. Oui car ce n’était point tous les jours que Joel Blackburn recevait une telle décharge électrique par les sens. Il l’avait cherché, il faut l’avouer, mais tout de même, l’air frais du large ne lui fit point de tord. Elle savait faire usage de ses charmes, cette Moka, et pas qu’un peu. Elle avait réduit au silence un Jo… comment dire… sous l’effet d’une certaine sorte d’ivresse toute particulière. Un sourire suffit à acquiescer à la proposition de la jeune femme.

Un frisson naquit sur son bras et alla jusqu’à sa nuque lorsqu’il sentit sur sa peau glisser les doigts de sa partenaire de danse. Tant bien que mal, il improvisa une salutation en se penchant à son tour lorsque la demoiselle fit la révérence d’une façon fort élégante. Toujours le rouge aux joues et l’air un peu déstabilisé quoique très confortable sur son nuage, alors que Moka allait s’éloigner, il secoua la tête de gauche à droite vivement, question de se sortir de son étrange mutisme absolument pas digne d’un acteur de sa stature, et parvint à balbutier quelques mots.

"À..à demain ‘mzelle… Moka…"

La tête légèrement penchée sur le côté, un sourire au coin des lèvres, le regard fixe, vers une Moka qui n’était même plus à l’horizon, mais toujours sur le nuage de Joel, il garda la pose une minute, deux, trois, et encore une autre comme ça avant de sursauter en sentant sur ses jambes un chatouillis, quelque chose de doux et de familier, la fourrure de Louis. Celui-ci se mit à miauler en exécutant une forme de huit entre les jambes de son maître, avant de s’arrêter en s’asseyant devant lui.

Les mains rangées dans les poches de son jean, Joel baissa la tête vers son compagnon et le constata en silence un moment, songeur. Il regarda ensuite autour de lui. La vie continuait, cependant c’est seulement à ce moment que Joel prit conscience qu’il y avait plus de regards posés sur lui qu’à l’habitude. Il fronça les sourcils et marmonna à l’adresse de Louis, toujours en observant les élèves aux alentours.

"Qu’est-ce qu’ils ont tous ces rats!?!"

Il regarda Louis.

"Tu devrais changer ton régime, Louis. Des rats se serait plus nourrissant et en plus, tu rendrais service à tout le monde. … Ben quoi! Tout le monde, tout le monde… D’accord, c’est peut-être un peu exagéré… Joel se remit en marche d’un pas lent, Louis à ses côtés, se dirigeant vers l’intérieur du bateau, vers nulle part en particulier. Mais quand même… Si tu leur faisais un peu peur, peut-être bien que les autres comprendraient, tu vois c’que j’veux dire? J’te demande pas de jouer les exterminateurs, prend-le plutôt comme une mission… spéciale."

Déjà l’on regardait ailleurs sur le navire, l’on retournait à ses occupations. Le Joel que tout le monde connaissait, celui qui parlait avec son chat en errant ici et là, était de retour et donc, tout était au beau fixe, ou presque. Du moins jusqu’à la prochaine rencontre de Jo l’Pirate et Moka l’aventureuse exploratrice…

"Tu te rends compte Louis, tu vas être un agent spécial! Et on va manger des brochettes de rats pour souper… Beeeurrk... Tu sais quoi Louis, j'crois que tu devras manger ma portion..."

[c'est la fin!]

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