Petite fille et grandes machines

Ah, Maureen. Cette adorable petite fille pas plus haute que trois pommes, petite soeur de la très populaire Sarah McLane. Ce n'est pas trop dur, quand on vit à l'ombre de ses aînées ? Ben, faut croire que non. Non seulement car Maureen ne cherche pas la célébrité - elle l'aura bien assez tôt, quand elle deviendra la plus grande sorcière de l'univers -, mais qu'en plus, elle était loin de passer inaperçue. Qui n'avait pas entendu de cette gamine hystérique ! Personne, bien entendu. On l'avait au moins vu une fois dans sa vie, en train de courir après une ratte ou de hurler, de s'énerver contre son sac ou sur un malheureux élève. Cette petite pile brune avec sa cape immense ! Oui, oui, c'est bien elle. Et pour ceux qui pensaient passer un voyage tranquille au bord du Phoenix, leurs illusions risquaient vite de couler s'ils croisaient la fillette. Et d'ailleurs, pourquoi la gamine s'était-elle rendu ici ? Elle n'avait pas d'amis, elle n'en voulait pas, et en plus, elle n'aimait pas les bateaux. Pourquoi y être ? Simplement car ses frères et soeurs y étaient. Mais ça, elle ne l'aurait jamais avoué.

"Y'a trop de monde ici. Calipso n'aime pas."

Calipso, car c'était son nouveau surnom, se baladait au troisième étage, faute d'avoir quelque chose à faire. Son long gilet traînait derrière elle, et de nombreux élèves se retournaient vers cette petite bonne femme, avec son air continuellement boudeur et ses marmonnements qu'elle seule pouvait entendre. Comme à l'accoutumer, la petite portait des vêtements qui étaient tout sauf à sa taille. Et ce même si elle ne portait pas l'uniforme de Poudlard. Sa mère adorait ça. Sans doute trouvait-elle cela mignon. De toute manière, Maureen s'en fichait, tant qu'elle n'avait ni trop chaud ni trop froid. La perspective d'un voyage sur un navire avait apparemment grandement inspirée Hannah, qui l'avait affublé d'un costume digne de ce nom. C'était un déguisement de garçon, avec sa chemise, son fameux gilet, son pantalon, ses bottes et son tricorne, et avec l'absence de formes de Maureen, on aurait pu effectivement s'y méprendre ; mais ses longs cheveux, son visage de gamine et sa petite voix fluette révélait la féminité de la Serpentarde. Son chapeau lui tombait tout le temps sur les yeux, et elle le remontait en permanence. On aurait dit une petite fille perdue dans ce flot d'adolescents, et si on ne la connaissait pas, on serait sans doute aller la voir en lui demandant d'un ton charitable : "Tu t'es perdue, ma chérie ?".

Mais en sachant pertinemment à qui on avait à faire, aucun élève ne vint l'aborder, et la fillette continua de cheminer sans interruption.

Il était aux alentours de midi, ce qui expliquait l'afflux de gens au troisième étage. Mais Maureen n'avait pas faim. Elle n'avait jamais faim. Elle n'aimait pas la nourriture. Elle n'aimait que les pastèques. C'est bon, les pastèques. Mais elle n'irait pas dans le refectoir car 1) il y avait beaucoup trop de monde 2) donc, même s'il y avait de la pastèque, elle ne le verrait pas, et 3) elle se devait de visiter cet étrange paquebot. On ne savait jamais, il y avait peut-être quelques trésors à découvrir, un truc qui lui donnerait le pouvoir suprême. Peut-être même qu'elle pourrait devenir capitaine. Elle n'aimait pas les bateaux, mais si elle devenait capitaine, là, ça changeait tout. Fin bref. Pour ceux qui se demandaient ce qui amenait la petite McLane, ce n'était autre que la curiosité, et accessoirement, l'ambition. Si ça se trouve, elle allait trouver la pierre philosophale ! Bon, d'accord, elle avait été détruite, y'en avait sûrement une autre. Comme ça, Maureen pourrait régner sur Poudlard des années durant !

"Y'a des bruits bizarres, là. Calipso va voir."

La petite avait descendu les escaliers, et lesdits bruits bizarres provenaient de la salle des machines. La fillette poussa difficilement la porte, et resta bouche bée. La pièce, comme son nom l'indiquait, contenait des machines. Mais pas n'importe quelles machines. Des machines comme Maureen n'en avait jamais vu. De gigantesques machines qui bougeaient toutes seules, avec des rouages, de la fumée, plein de petits trucs qui faisaient que, même s'il n'y avait aucune personne humaine dans la salle, tout était en mouvement. Les yeux écarquillés, Calipso marcha lentement à travers les engins, s'arrêtant ci et là, la bouche ouverte. Ici, un marteau électronique qui aplatissait des pièces sur un tapis roulant. Et là ! Un truc bizarre qui tournoyait en poussant la chansonnette. La petite se baissait, se levait sur la pointe des pieds, touchait, admirait. Une enfant devant un incroyable jouet.

[ Première réponse réservée ]

Comme tout bon Jonas Emerson qui se respecte, le bonhomme était parti explorer ce qui allait devenir leur chez-eux pendant deux bons mois, avec un enthousiasme modéré ( Il n'avait pas eu coeur à agresser les trois première année de Poufsouffle qu'il avait croisées sur le pont -et qui d'ailleurs avaient tenté de se planquer derrière le mât ). Sa brève rencontre avec Monika, sur le pont, l'avait mentalement épuisé. Un jour, il faudrait qu'il lui dise... Même si elle était physiquement impressionnante, il la trouvait trop... Sage. Trop impeccable en toutes circonstances. Bref, elle n'était pas pour lui. ... Tout comme l'était Sarah ? Sûrement... Matthew, et elle, c'était si...
Alors qu'il filait au premier étage, traînant sa valise sans entrain, il se rendit subitement compte qu'il tendait peu à peu au réalisme, si ce n'était au pessimisme pur. Où était donc passé le Jonas aux \o/, \\o, o// et autres |o| ?

Une lueur enflammée reprit vie au fond de ses prunelles. Il n'allait quand même pas se démoraliser pour une histoire de filles ! Il bondit en bas des escaliers, leva les yeux vers le couloir qui s'offrait à lui, et laissa échapper un : "Ca semble encore plus long que le Titanic dans le film ! : O", qui le fit passer pour un Moldu inculte. Peu importait ! \o/
Il visita rapidement l'étage, découvrit des chambres, des chambres, et une salle hyyyper grande, comme ça => \--o--/, apparemment faite pour la fête. Le parfum qui y flottait redonna définitivement toute son énergie à Jonas, et il se lança à l'assaut du second étage.
Arrivé à destination, il glissa jusqu'à la première porte du dortoir -du parquet, yahoooooo ! \o/-, l'ouvrit violemment, et jeta au hasard sa valise, qui atterit miraculeusement sans dommage, sur le lit. Mais le jeune homme n'eut pas le temps de s'en apercevoir ; dès qu'il balança ses affaires, il referma vivement la porte, et repartit à la conquête du couloir qui glisse o/.
Il dévala ensuite les escaliers, prêt à découvrir le palier suivant. Et celui-là se révéla être un vrai paradis pour Jon. Nourriture, eau, chaleur, exotisme, tout autant d'ingrédients pour le rendre encore plus hyperactif qu'il ne l'était déjà. Il alla piquer quelques pâtisseries -une petite vingtaine- aux cuisines, réprima une envie tenace de plonger dans la piscine, ou d'aller barboter dans le jacuzzi, grimpa sur les pièces d'échec géant dans la salle de jeux, et se faufila dans la jungle amazonienne du vivarium -où il effraya les divers serpents et tarentules présents.
Le quatrième étage ne servait à rien. Des livres, des pansements -ah si, éventuellement-, bandages, et autres salles de cours. Jonas eut tôt fait de se remettre à son inspection générale, et découvrir le dernier palier. Il resta scotché dans l'Observatoire, admirant le spectacle qui s'étalait sous ses yeux bouche bée, immobile et silencieux. Le nez contre la vitre au sol, il avait regardé les nuages s'étendre avec une paresse perceptible, hypnotisé, puis avait finalement quitté la pièce, réendossant par la même occasion son énergie increvable.

« OooOooOh... C'est quoi ça ? : O », fit-il en entrant dans la salle des machines Le ron-ron mécanique qui s'y élevait ne faisait aucun doute quant à sa nature, et Jonas commença à observer une machine étrange, sur la droite, tout en piochant une meringue dans le tas de pâtisseries qui s'étalait sur ses bras. Il passa ensuite à une plus petite -et plus bruyante- qui tournoyait rapidement, avec une régularité déconcertante. Il ne cessait de pousser des : « OoOooOh ! » et des « AaaAaaAAaAAaaAh ! » admiratifs. Et puis, entre deux grimpettes sur machines et autres mangeages de meringue, Jonas aperçut une silhouette menue, qui bidouillait un truc sur un engin. Une petite fille, affublée de vêtements hétéroclites. Huum... Elle lui disait quelque chose.
Il s'approcha, et, sans plus de procès, lui fit un: « Saluuuut ! » enjoué, accompagné d'un sourire éclatant. « Toi aussi t'explores le bateau ? », continua-t-il. « T'as vu comme c'est grand ? : O
Oh, tiens, tu veux un éclair ? », ajouta-t-il en lui en tendant un à la vanille. "Si tu veux, j'ai aussi des religieuses, des mille-feuilles, des tartes au citron, à la fraise, à la citrouille, au trèfle aussi tiens ! Pis des Chocogrenouilles, des Patacitrouilles et des Dragées... Et...", énuméra-t-il dans une liste sans fin.

"... Puis aussi, j'ai du chocolat noir, du blanc, du rouge, du..." "CALIPSO AIME PAS ! CALIPSO AIME PAS ! CALIPSO AIME QUE LA PASTEEEEEEQUE !" Jonas se tut soudainement, trop occupé à compter le nombre de dents que la dénommée Callipso se trouvait avoir, bluffé par le volume impressionnant qu'avait pris sa bouche. Sans se démonter par les cris qui lui étaient destinés, après une légère absence, il continua :"De la pastèque ? Attends, j'dois bien avoir un truc à la pastèque là-deda..." Avant qu'elle ne lui jette son chapeau à la tête, et qu'elle ne se transforme en une cocotte minute humaine. On voyait presque la fumée en sortir, tellement elle était rouge, et contenait sa rage avec énergie. Une folle. Il était tombé sur une folle. Mais il ne paraissait pas vraiment s'en rendre compte, observant juste la petite fille avec attention, pas méfiant pour un sou. Elle était devenue incontrôlable parce qu'il lui avait simplement proposé des pâtisseries, et pas de pastèque ? Et bah. Sceptique, il mordit dans une nouvelle sucrerie -attendant en quelque sorte la suite du spectacle. Car oui, la mini sorcière était un spectacle en elle-même, et méritait qu'il se taise pour un temps.

Et il ne fut pas vraiment déçu. Elle lui sauta dessus sans plus de procès, lui faisant manquer de s'étouffer avec la Chocogrenouille, et tenta de l'assommer à coups de baguette dans un cri de guerre mémorable. Réprimant une crise de rire inopinée générée par ledit cri de guerre -car rire de la colère de quelqu'un, c'est vil, et en plus ça ré-énerve, tout le monde le sait-, il attrapa la baguette de "Callipso" -après des essais peu concluants, au vu de l'agilité de la McLane-, qu'il pointa dans une autre direction que lui, puis fit tomber l'ensemble de sa réserve patissière en attrapant son autre bras qu'il immobilisa doucement.
"Hé, t'es quand même pas venue ici pour te battre ? ... Regarde." D'un coup d'oeil, il lui indiqua les machines alentours. "Tu préfères pas regarder ces trucs ? Ce machine rouge et blanc là, on dirait une... Une grenouille... Mélangée à... Maxime ? Enfin bref. Tu veux pas qu'on explore le reste de la salle ? C'est plus amusant que de se taper, quand même." N'empêche que le coup qu'elle lui avait filé résonnait encore dans sa tête. Impressionnant, pour une fille de son âge. Mais Jonas ne se méfiait toujours pas d'elle, tout comme il ne la redoutait pas. Il ne voulait pas qu'elle se calme, simplement qu'elle use son énergie dévastatrice à autre chose -comme crapahuter sur les machines, les trafiquer, et -pourquoi pas ?- les abîmer gentiment. S'amuser, voilà ce qu'il voulait, de préférence avec quelqu'un. Et cette tarée hystérique se trouvait être la partenaire idéale.

Jonas en avait croisé, des folles hystériques. Des cas qui valaient d'être expédiés directement à Sainte-Mangouste, section Grands Malades, comme cette Serpentarde avec une case en moins, qui l'avait suivi comme son ombre pendant toute son année de Quatrième, le couvrant de lettres et autres déclarations enflammées, parfois légèrement... Glauques, à tendance légèrement... Sado-masochiste. Ou encore la Poufsouffle qui l'avait accusé d'avoir des vues sur son petit ami, avant de le rouer de coups et autres sorts pas franchement agréables à recevoir, pour avoir osé lui prêter une gomme à la bibliothèque. Oui, à Poudlard, les dérangés étaient monnaie courante, et ce particulièrement au niveau des Serpentards, comme il avait eu l'occasion de le voir.
Mais c'était bien la première fois qu'il voyait une tarée de cet âge, à un degré de folie si avancé. Et, surtout, c'était la première McLane qui risquait de mal tourner. Maureen McLane. Il s'était rappelé de son nom complet lorsqu'il l'avait vu froncer les sourcils, plissant ses opales azur, avait étouffé une quelconque réaction en son for intérieur, après avoir cru s'être trompé pendant quelques secondes d'hésitation intense. Une McLane pouvait-elle être frappée à ce point ? Il avait eu une brève pensée pour Tomas, et avait définitivement tranché pour le oui, concluant par la suite que Maureen avait un -mauvais- grain.
La proposition d'armistice de Jonas avait lamentablement échoué, ravivant même le feu des hostilités. Et, manque de chance pour Calipso, Jonas n'était pas dans une humeur de bon samaritain / sauveur d'âmes perdues ce jour-là, sans pour autant être mal luné, bien au contraire. Tandis qu'il la voyait se borner dans une cecité et une surdité temporaires, il abandonna mentalement tous projets éventuels avec la jeune sorcière, peut-être un peu fatigué de se battre contre une môme de douze ans qui ne voulait rien entendre.
"Ecoute, Maur..." Il s'interrompit pour mieux éviter la première tentative de morsure, sursautant à ce nouvel élan d'agressivité qu'il aurait pourtant dû prévoir. Sa baguette ? Jonas glissa un oeil à sa main gauche, qui avait serré tout ce temps le petit bout de bois de la McLane Junior, sans s'en rendre vraiment compte. C'était ça qu'elle voulait ? Il revint à ses yeux bleus, esquivant une nouvelle attaque dentaire, affichant même un sourire narquois. Et si... ? Non, faire du chantage n'aurait fait qu'envenimer les choses, surtout si cela concernait la baguette de Maureen. Elle aurait pu le blesser, le tuer, ou pire encore... Prévenir sa soeur aînée. Lui qui était en ce moment dans les bonnes faveurs de la Poufsouffle, aurait risqué gros, avec cette menace faite à sa benjamine. Mieux valait laisser tomber pour cette fois, et lui donner ce qu'elle voulait : sa baguette, et sa solitude. ... Avant de revenir plus tard à la charge, et des armes efficaces, dans le simple but de l'amadouer, et de -on pouvait toujours rêver- sympathiser avec la très jeune fille. Même s'il était mal parti, ayant commis l'impardonnable sacrilège de se trouver dans la même pièce que Maureen sans qu'il y soit invité, il pourrait toujours se rattraper par la suite, entrer dans les bonnes grâces de la petite... Ou échouer définitivement, sans retour possible.
"Tiens... Ta baguette." Et il lui tendit l'objet, attendant qu'elle s'en empare, évitant toute éventuelle attaque malhonnête et douloureuse. Une fois que ce fut fait, il reposa la môme à terre -elle lui avait bondi dessus-, décréta un : "Je m'en vais." qui lui ferait sûrement immensément plaisir, et, dans un léger sourire, zigzagua entre les pâtisseries échouées à terre -regrettant d'ailleurs de ne pas pouvoir les ramasser, sous peine de se faire assassiner par une McLane hystérique-, et se dirigea vers la sortie de son pas habituel, priant pour qu'elle ne lui jette aucun sort compromettant.
Finalement, il se retourna, lui fit un signe d'au revoir, et disparut dans l'entrebaillement de la porte, avec sa bonne humeur habituelle.
Tout ça n'était que partie remise, Maureen McLane.